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Le communiqué du collectif n’est pas une défense : c’est une esquive sophistiquée — et, à ce titre, il mérite d’être décrypté – Par Mohd Chriv Chriv .

Dans l’espace des déclarations juridiques, certains textes s’annoncent comme des plaidoyers, mais se révèlent, à la lecture, être des travestissements sophistiqués d’une réalité qu’ils peinent à contenir. Tel est le cas de la déclaration émanant du collectif d’avocats assurant la défense de l’ancien ministre Seyidna Ali Ould Mohamed Khouna, interpellé à la suite d’une sortie publique qui, en franchissant les limites du raisonnable, a catalysé une réaction étatique à la fois juridique et politique.
Le communiqué s’ouvre sur une scène presque théâtrale : des hommes en draâras, opérant dans la pénombre interdite de la nuit légale, arrachent leur client à la quiétude supposée de son foyer. L’effet recherché est manifeste : projeter dans l’imaginaire collectif une image de brutalité archaïque, un retour au règne des coercitions tribales, comme si la République avait été supplantée par un ordre opaque et extra-institutionnel.
Mais cette mise en scène est fragilisée par l’oubli volontaire d’un élément fondamental : l’origine de l’interpellation. Elle ne procède ni d’un coup de filet politique ni d’une vengeance institutionnelle. Elle est la conséquence directe d’un live, diffusé publiquement, dans lequel le ministre s’est livré à une série de propos que même la rhétorique d’opposition peine à justifier. Pour la première fois depuis son entrée dans la sphère publique, M. Seyidna Ali s’est aventuré dans un langage qui mêle insinuation, outrance, et accusations d’une gravité qui excèdent le cadre du débat politique. Il n’a pas dénoncé : il a invectivé. Il n’a pas argumenté : il a dramatisé à outrance, allant jusqu’à qualifier de « cirque » le traitement judiciaire d’une affaire aussi délicate que celle de l’ancien président Aziz.
Ce débordement discursif, que la défense tente aujourd’hui de recadrer en une violation procédurale, ne saurait être réduit à une simple « maladresse d’expression ». Il s’agit d’un geste politique assumé, d’une transgression délibérée du pacte langagier républicain, où la liberté d’expression n’autorise pas la confusion entre opposition rhétorique et diffamation implicite.
Or, c’est précisément cette confusion que le communiqué des avocats s’efforce d’effacer. En mobilisant trois articles de loi — l’article 52 relatif aux horaires de perquisition, l’article 58 sur la dignité de la personne gardée à vue, et l’article 32 sur l’accès de l’avocat — la défense cherche à substituer à une faute de langage une injustice procédurale. La tentative est subtile, presque élégante dans sa construction, mais juridiquement et éthiquement insuffisante.
Car aucune des violations invoquées ne modifie le fait initial : ce n’est pas la forme de l’arrestation qui est centrale ici, mais la cause de l’interpellation. En d’autres termes, on feint de dénoncer l’emballage pour mieux faire oublier le contenu. Le recours aux garanties procédurales, pour légitime qu’il soit dans un État de droit, ne saurait servir de paravent à un discours qui, par sa radicalité, engage une responsabilité politique autant que pénale.
Ainsi, le communiqué des avocats, sous couvert d’une défense technique, devient l’instrument d’un renversement narratif : il cherche à faire passer pour victime celui qui, par ses propres mots, s’est positionné en provocateur. Il érige l’outrance en droit, et la parole non maîtrisée en principe fondamental.
Mais le droit n’est pas un refuge pour les excès. Il est une architecture exigeante qui suppose que ceux qui l’invoquent s’y soumettent aussi dans leur manière de parler, de critiquer, et de contester. En cela, le communiqué du collectif n’est pas une défense : c’est une esquive sophistiquée — et, à ce titre, il mérite d’être décrypté non pour ce qu’il dit, mais pour ce qu’il cherche à taire.

Source : Mohamed Chriv Chriv

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