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La jeunesse rock n’roll d’Iyad Ag Ghaly, chef jihadiste

Aujourd’hui à la tête du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, affilié à Al-Qaïda, c’est l’un des hommes les plus recherchés du Sahel. Pourtant, dans sa jeunesse, Iyad Ag Ghaly aimait la musique, l’alcool et les cigarettes, raconte le « Wall Street Journal ».

Si Iyad Ag Ghaly est aujourd’hui une figure bien connue du jihadisme sahélien, c’est à ses jeunes années que le Wall Street Journal a choisi de s’intéresser.

Dans un article publié le 31 mars, le quotidien américain esquisse le portrait d’un homme qui, bien avant de prendre la tête du Groupe de soutien de l’islam et des musulmans (GSIM ou JNIM en arabe) et d’être recherché par la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, enchaînait les cigarettes, côtoyait le groupe de blues touareg Tinariwen (aujourd’hui de renommée internationale) et sirotait volontiers du whisky.

Retraçant le parcours de cet homme qui, pendant des décennies, a navigué entre rébellions touaregs et groupes jihadises, le Wall Street Journal s’est entretenu avec d’anciens amis d’Iyad Ag Ghaly, avec certains de ses anciens compagnons de route et avec des universitaires ou des diplomates qui l’ont côtoyé à l’époque. Il s’est aussi appuyé sur des rapports de l’ONU.

Il a aidé à fonder Tinariwen
Le quotidien américain raconte ainsi sa rencontre avec un groupe de musiciens touaregs, dans les années 1980, dans un camp près de Tripoli. Mouammar Khaddafi (le parrain des rébellions dans la région) avait chargé le jeune Ag Ghaly, qui avait déjà fait le coup de feu au Liban, de superviser les nouvelles recrues en Libye. C’est là qu’il rencontre Ibrahim Ag Alhabib, un passionné de guitare originaire de Tessalit, dans le nord du Mali, qui sera l’un des fondateurs de Tinariwen.

« Ag Ghaly voyait dans la musique un moyen de rallier à la cause indépendantiste », écrit le Wall Street Journal. Il aide alors Ag Alhabib et ses compagnons à se procurer des instruments, leur trouve un entrepôt dans lequel ils pourront répéter et même une scène sur laquelle se produire, selon Philippe Brix, qui sera plus tard l’un des managers de Tinariwen. C’est lui aussi qui écrira les paroles de la chanson Bismillah, qui deviendra un tube autant qu’un chant de ralliement à la cause indépendantiste. Ag Ghaly avait « compris le pouvoir de la guitare comme outil de communication », résume Philippe Brix.

Montres de luxe, whisky et boites de nuit
L’historien français Pierre Boilley, poursuit le journal, raconta avoir accueilli Ag Ghaly dans son appartement parisien, en 1989. À l’en croire, son hôte passa chez lui des soirées entières à boire du whisky tout en planifiant un nouveau soulèvement touareg.
Plus tard, après des négociations avec Bamako et la signature d’accords de paix, Ag Ghaly s’essaiera à la politique. Il goûtera aux plaisirs de la capitale : une villa spacieuse, du whisky toujours, des sorties en discothèque et les chansons de Bob Marley. À Bamako, il recevra le fondateur de Tinariwen. « [Cette nuit-là], Ag Ghaly a chanté jusque tard, frappant en rythme sur un bidon d’eau », écrit le Wall Street Journal.

Il voyagera aussi, accompagnant le président Alpha Oumar Konaré dans certains de ses déplacements officiels. Un homme qui lui fut proche se rappelle la Rolex qu’il aimait porter à son poignet, les chaussures Weston qu’il affectionnait, ses costumes Smalto et son goût pour les Marlboro.
Plus tard, il interdira « la musique de Satan »
Mais tout cela, c’était avant qu’il ne se radicalise, à la fin des années 1990, au contact notamment de prédicateurs pakistanais arrivés dans son fief de Kidal. C’est à partir de là, affirme le Wall Street Journal, que sa vie a changé. Si Ag Gahly parvient encore à concilier sa foi et son amour pour la musique, il déclare un jour à l’un de ses amis : « Je me débarrasse de ma Rolex et de mes chaussures. Je ne peux plus les porter. »

Citée par le quotidien américain, l’ambassadrice des États-Unis au Mali se souvient avoir rencontré Ag Ghaly en 2003. « Nous avions eu des renseignements selon lesquels Al Qaida était sur le point d’ouvrir un nouveau front [dans la région] », se souvient Vicki Huddleston, qui soupçonnait Ag Ghaly de jouer un rôle dans cette volonté d’expansion territoriale. Elle reconnaît avoir « été charmée par ce beau garçon charismatique qui portait un turban qui lui donnait l’air d’un Touareg romantique ». Mais quand il a nié flirter avec le fondamentalisme, « je savais qu’il mentait », assure Vicki Huddleston.

Une dizaine d’années plus tard, il fondera son propre mouvement jihadiste, Ansar Eddine, et s’emparera de Gao, Kidal et Tombouctou. Il y interdira « la musique de Satan » et détiendra même, pendant plusieurs semaines en 2013, l’un des musiciens de Tinariwen. À ce moment-là, les années rock d’Ag Ghaly sont déjà de l’histoire ancienne.

Source : Jeune Afrique 

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