Contribution : La guerre du Sahara n’a pas été un choix souverain de la Mauritanie. Elle lui a été imposée par un contexte régional complexe .
Morts au combat
La guerre du Sahara n’a pas été un choix souverain de la Mauritanie. Elle lui a été imposée par un contexte régional complexe, des alliances précipitées et des calculs géopolitiques qui, avec le recul, laissent un goût amer.
Ce conflit fratricide a précipité notre pays dans une spirale de violence et de deuil, emportant dans son sillage les vies de centaines, peut-être de milliers, de nos fils les plus braves.
Ils venaient de toutes les régions du pays : des plaines du Hodh aux sables de l’Adrar, des oasis du Tagant aux rivages du fleuve Sénégal. Des jeunes hommes, souvent à peine sortis de l’adolescence, enrôlés sous le drapeau, mus par un sens profond du devoir et de l’honneur. Ils ont quitté leurs foyers, parfois avec un simple baiser à leur mère, une promesse à leur épouse, ou un mot glissé à leurs enfants encore trop jeunes pour comprendre ce que signifie « partir à la guerre ».
Beaucoup ne sont jamais revenus. Ils sont tombés sur ces terres arides, loin des leurs, sous un soleil implacable, dans un affrontement où la poussière et le sang se mêlaient. Ils sont morts pour défendre une cause que l’Histoire, aujourd’hui encore, peine à définir clairement. Quelle victoire avons-nous célébrée ? Quel avantage stratégique ou politique avons-nous réellement tiré de ce sacrifice ? La réponse reste floue, et le silence qui entoure ces questions en dit long sur notre malaise collectif.
Mais plus douloureux encore que la perte, c’est l’oubli. Avons-nous, en tant que Nation, pris le temps de leur rendre l’hommage qu’ils méritaient ? Avons-nous inscrit leurs noms dans la mémoire nationale, dressé des monuments à leur gloire, raconté leurs histoires à nos enfants pour que leur bravoure ne s’efface pas ? Avons-nous respecté la promesse implicite faite à chaque soldat : que, s’il tombe, la patrie prendra soin des siens ?
Et les enfants de ces héros… qu’ont-ils reçu de la Nation pour laquelle leur père est mort ? Ont-ils bénéficié d’une éducation solide, d’un soutien matériel, d’une reconnaissance officielle qui aurait pu panser, au moins en partie, la plaie béante laissée par l’absence ? Trop souvent, la réponse est un douloureux « non ». Nombre d’entre eux ont grandi dans la pauvreté et l’oubli, comme si le sacrifice de leurs pères n’avait été qu’une note de bas de page dans un manuel d’histoire que personne ne lit.
Sommes-nous devenus amnésiques au point d’accepter que le sang de nos fils se perde dans le sable, sans mémoire et sans gratitude ? Ou préférons-nous détourner le regard, par peur de rouvrir une plaie qui, de toute façon, n’a jamais vraiment guéri ?
L’Histoire n’est pas seulement faite de victoires et de conquêtes, elle est aussi faite de deuils et de leçons. Tant que nous n’aurons pas eu le courage d’affronter cette part de notre passé, tant que nous n’aurons pas reconnu, nommément et dignement, ceux qui sont tombés, tant que nous n’aurons pas assuré à leurs familles la place et le soutien qu’elles méritent, nous resterons redevables.
Rendre hommage à nos morts n’est pas un geste symbolique, c’est un devoir moral et politique. C’est reconnaître que, même si la guerre du Sahara a peut-être été une erreur ou une impasse, ceux qui y ont laissé leur vie ne doivent pas en porter l’oubli comme seconde mort. Leur mémoire doit vivre, non dans les archives poussiéreuses, mais dans la conscience vivante de la Nation.
Leur sang a coulé dans le désert. Ne laissons pas leur souvenir s’y perdre aussi.
Sidi Soueid’Ahmed ( SSA )