ACTUALITÉSECONOMIEMauritanie

La formule : « nous faisons désormais partie des pays producteurs de gaz naturel »- sic Ghazouany- est une investiture symbolique « 

Derrière la structure apparemment classique de l’allocution présidentielle se déploie un récit fondateur, qui redessine à la fois le récit national et les coordonnées stratégiques du développement économique post-rentier.
Le Président ne parle pas ici de gaz. Il parle d’un corps symbolique, d’un fluide à haute valeur géopolitique, qui propulse la Mauritanie du statut de nation périphérique à celui d’acteur disposant d’un levier énergétique autonome. La formule « nous faisons désormais partie des pays producteurs de gaz naturel » n’est pas une simple constatation : c’est une investiture symbolique dans l’économie-monde. Elle inscrit la Mauritanie dans le club restreint des États disposant de ressources stratégiques, capables d’intervenir dans les dynamiques de marché mondialisé. L’Ahmeyim devient ainsi plus qu’un gisement : un réservoir de souveraineté.
La présence du Président sénégalais, évoquée dans une rhétorique fraternelle (« mon frère et ami »), scelle la performativité d’un axe mauritano-sénégalais, en gestation depuis des décennies, mais qui trouve ici sa forme la plus tangible : celle d’un complexe énergétique co-géré, miroir d’une intégration fonctionnelle Sud-Sud. Ce partenariat énergétique est un énoncé diplomatique autant qu’un dispositif technique : il institue un droit de cité à une nouvelle régionalité, affranchie des historicités coloniales et ouverte à une co-souveraineté des ressources.
Le moment le plus saillant du discours réside dans la transfiguration du contenu local en moteur de transformation. Le Président ne s’en tient pas à une apologie du capital naturel ; il insiste sur l’activation d’un capital humain transformé en énergie productive. L’évocation des ingénieurs, techniciens et ouvriers mauritaniens ; inscrit la jeunesse dans une généalogie active de la nation. Cette reconnaissance du savoir-faire endogène opère une césure avec les anciennes économies d’enclave, où l’extraction était dissociée du tissu national.
Dans l’appel à la formation, à la créativité et à l’entrepreneuriat, se dessine une théologie du développement qui rompt avec le déterminisme extractiviste. L’économie ne se limite plus à la matière, mais s’élève vers l’abstraction des compétences, des idées, de l’innovation. Ce que le Président esquisse, c’est une économie de la subjectivation productive, où le citoyen n’est plus spectateur mais auteur — et même artisan — de la rente.
La déclaration de S.E. Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani doit donc être lue comme une matrice d’intention stratégique, où se croisent géopolitique, diplomatie régionale, réforme de l’État et projection vers une modernité auto-centrée. En filigrane, c’est un pacte énergétique qui se dessine — un pacte où le gaz devient le vecteur d’une résurrection du politique, et où chaque molécule liquéfiée est aussi un mot du récit national reconfiguré.

Source : Mohamed Echriv

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *